Retraites, dépendance : le grand flou des réformes

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En s'exprimant sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a relancé toutes les conjectures sur ce dossier explosif. Politiquement, certains le poussent à lier ce chantier à celui de la dépendance. Budgétairement, la France ne pourra pas tenir ses engagements européens de réduction du rythme des dépenses publiques sans toucher aux pensions.

Cela a été la surprise du chef. A l’occasion d’un déplacement dans le Lot le 3 juin, Emmanuel Macron a relancé le chantier de la réforme des retraites. "Je vais devoir prendre des décisions difficiles", a-t-il assuré, en évoquant ce dossier épineux, tout en écartant un retour du big-bang des retraites à points voté en première lecture à l’Assemblée nationale en mars 2020. En clair, il ne s’agit pas de remettre sur le métier la réforme dite "systémique", qui visait à fusionner les 42 régimes de retraites existants en un seul, mais de se concentrer sur la réforme dite "paramétrique", qui vise à éponger les déficits. Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, qui réclame depuis des mois ce deuxième volet, claironne sa victoire : "Il est bon que cette réforme ne tarde pas trop", s’est-il félicité sur Europe 1 le 6 juin.

Problème, dans le détail, les contours de la future réforme demeurent extrêmement flous. Et, sur le papier, pas vraiment urgente, puisque le gouvernement a déjà prévu de transférer les déficits sociaux des prochaines années à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cadres). Après avoir entendu les propos du chef de l’État, les négociateurs syndicaux spécialistes des retraites se sont d'ailleurs rués sur leur téléphone pour en savoir plus. "On nous a assuré qu’il n’y avait pas de projet concret dans les tuyaux, s’étonne l’un deux. Du genre, 'ne vous inquiétez pas, ce n’est que de la com’'." A Bercy, un haut fonctionnaire confirme: "A ce jour, le sujet n’a pas été tranché politiquement et on ne travaille pas encore sur des scénarios."

Report de l'âge légal à 64 ans en 2030
Une chose est certaine, les comptes des régimes de retraite paraissent durablement dans le rouge. Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) de fin 2019, le déficit oscillerait entre 8 et 17 milliards en 2025, en fonction du niveau de croissance et des conventions comptables retenues, et entre 8 et 27 milliards à l’horizon 2030. Pour rééquilibrer les comptes, le gouvernement a écarté toute hausse des cotisations ou baisse des pensions. C’est donc vers un allongement de la durée de travail qu’il s’orienterait pour combler le trou des retraites.

Dès lors, trois solutions sont sur la table: un allongement de la durée de cotisation (41,5 ans actuellement), un report de l’âge légal du départ à la retraite (62 ans) ou l’instauration d’un "âge pivot" à atteindre pour toucher une pension complète. Dans tous les cas, l’effort serait loin d’être anodin. D’après le scénario médian exploré par le COR en novembre 2020, l’âge moyen de départ effectif à la retraite devrait être repoussé de sept mois en 2025, à 63,4 ans, et de neuf mois en 2030, à 64 ans, pour effacer totalement le déficit. A comparer avec l’allongement de la durée de cotisation actuellement en vigueur qui progresse de trois mois tous les trois ans.

Lier la réforme au chantier de la dépendance
Histoire de faire passer la pilule, le gouvernement réfléchit depuis plusieurs mois déjà à lier le chantier de la réforme des retraites à celui de la dépendance. "L’idée est de présenter une réforme sociale pour améliorer la prise en charge des personnes âgées qui coûte, d’un côté, décrit un député LREM, et, de l’autre, une réforme financière des retraites qui rapporte." Maintes fois reportée, la réforme de la dépendance est en effet annoncée pour l’automne au Parlement. Fin 2019, son coût avait été chiffré à 6,2 milliards en 2024 et 9,2 milliards en 2030.

"C’est une présentation très politique, s’amuse le même haut fonctionnaire de Bercy. Cela laisse entendre qu’on finance l’une par l’autre, alors qu’au mieux on comblera les déficits des retraites." De fait, personne au gouvernement n’imagine dégager une quinzaine de milliards à court terme en repoussant brutalement l’âge de départ à la retraite. A l’inverse, au ministère des Finances, beaucoup redoutent qu’un éventuel allongement de la durée de cotisation soit compensé par de multiples dispositifs (carrières longues, régimes spéciaux, etc.) qui en réduisent le gain. Sans oublier la promesse de porter le minimum de retraite à 1.000 euros en 2022 qui se chiffrerait à plusieurs milliards d’euros.

Niveau de vie des retraités à la baisse
Mais, en théorie, le récent programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne ne laisse guère de choix. S’il veut respecter son engagement de tenir la croissance des dépenses publiques à 0,7% par an en volume de 2022 à 2027 -un objectif ultra-ambitieux et largement supérieur à la moyenne de 2007 à 2017-, le gouvernement va devoir ralentir drastiquement la hausse des dépenses de retraites, qui pèsent un quart de la dépense publique.

"Etant donné qu’on imagine mal Emmanuel Macron annoncer des coupes dans les dépenses de santé, d’éducation ou de sécurité, les dépenses de retraites deviennent la variable d’ajustement, déplore un haut fonctionnaire du ministère des Affaires sociales. Et ce même si le niveau du déficit des retraites dépend largement des conventions comptables retenues et que la part des dépenses de retraites dans le PIB est déjà orientée à la baisse dans les décennies à venir." Tout comme le niveau de vie des retraités par rapport à celui du reste de la population.

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